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Autrefois, l'alambic à Braize...

Mes souvenirs ne sont pas ceux « des effluves enivrants » des marcs distillés, mais, à l'automne 1936, l'image des grands de la division du certificat d'études qui se précipitent pour goûter l'eau de vie brûlante, et pas dans l'anecdotique coque de noix !...1937, la « terrible maîtresse » est arrivée : c'est la sortie en rang jusqu'au bourg, on ignore l'alambic...1953, je ne suis plus l'élève, mais l'instituteur qui n'apprécie guère les défilés : en profitait-on pour remettre au goût du jour les dégustations interdites ?

Donc, après les vendanges, revenait l'alambic ; les Braizois ne parlaient ni du distillateur ambulant, ni du bouilleur de cru, sa date d'arrivée variait selon le sens de la tournée de l'artisan.

L'alambic près de l'école

Le préau à gauche, les deux chênes creux à droite : le décor n'a pas changé depuis huit décennies, on pourrait organiser une reconstitution fidèle. Ne pas oublier l'essentiel : L'alambic s'installait à la porte de l'école !

Venait d'abord la cabane déposée près de la barrière du champ, puis tout un assemblage de charpentes et de bâches, enfin l'alambic, le tout tiré par le cheval du cultivateur-distillateur, depuis les faubourgs d'Ainay le Château. Ajoutez y des tonneaux, la brouette destinée au transport des marcs, une batterie de seaux gradués, le pèse-alcool indispensable ; mon dessin est maladroit, mais je le crois assez fidèle.

A l'époque, c'était une fête pour le village, presqu'au même titre que la St Antoine, le Premier de l'an ou la batteuse, en fait, une occasion de rencontre.

On vous épargnera les détails techniques, mais, après les années de dégustations sauvages, nous eûmes droit à des « leçons de choses » relatives à la fermentation, l'évaporation, la condensation, la distillation...par chance, les finances communales n'avaient pas encore permis l'acquisition des horribles tableaux de sciences, illustrant « les néfastes effets de l'alcool sur le foie » !

Afin de vous éviter de remonter à l'époque napoléonienne où fut institué le privilège du bouilleur de cru, on négligera également les contraintes draconiennes que ledit privilégié devait respecter...pour l'anecdote quand même : ce bouilleur de cru avait droit de distiller 20 litres d'eau de vie à 50°, mais la réglementation était parfois transgressée. L'enlèvement de la récolte ne pouvait se faire qu'à partir de 18 heures, afin de permettre un éventuel contrôle des fonctionnaires des douanes. La rumeur fait état de la dissimulation des excédents de production dans les locaux annexes de l'école jusqu'à l'horaire butoir, également de bonbonnes cachées dans le pailler ou le chafaud (le fenil)...mais ce ne sont que rumeurs ! Il faut reconnaître que la consommation de ce qu'on peut raisonnablement qualifier de « Brutal » dut alors connaître un pic – se référer à la durée de la campagne de distillation...et à nos tableaux de sciences – il n'était pas rare qu'en hiver, après le pansage des animaux, la soupe du matin se termine déjà par une (forte) rasade de gnole !

En novembre, à 18 heures, il faisait « brun nuit » et, chaque soir, à la lueur de la baladeuse du distillateur, c'était le même attroupement des mêmes – disons – connaisseurs, autour du bouilleur du jour... c'était à Braize, il y a bien longtemps...

Le brutal de Jo

Jean-Jacques Martin